Mothers Of Invention - Freak Out!

By Frédéric d'Huve

Jukebox, September/October 1986


MOTHERS OF INVENTION
Freak Out!
Verve - V6 - 5005 - 2

Je pense qu'il serait de bon ton de parler un peu des Mothers première formule puisque voici que sont à nouveau disponibles les quatre premières bêtises du Sieur François Vincent Zappa sur Verve à l'époque où notre moustachu était un freak déglingué, qui méritait il est vrai son pesant de culte, avant de se transformer en une machine à déblatérations sur les pyjamas, les camarillo brillo ou autres apostrophes. F.Z., from Los Angeles via Cucumonga, était bien plus qu'un baladin pris de nos jours un peu trop au sérieux par l'éternelle cohorte de fans qui pardonne tout.

Quand, en 1966, Tom Wilson (producteur de Dylan) consent un budget à F.Z. pour la réalisation de son premier album, les Mothers (connotation argotique de Motherfuckers) jouissent d'une solide réputation teintée de scandales bien mérités ; de plus, leurs apparitions scéniques sont souvent accompagnées d'une troupe de danseuses (communauté) patronnée par un allumé notoire, Vito, le tout avec la participation d'un guru complètement siffoné, Carl Franzoni. Le groupe, quant à lui, ne respecte rien, il attaque tout : les supermarchés («Hungry Freaks Daddy»), la vie sexuelle de l'Amérique moyenne («I Ain't Got No Heart»), l'appareil policier américain («Who Are The Brain Police»), le tout sur fond de Freak-Out (sorte de happening à explosions ou théâtre multi-directionnel pour reprendre un néologisme zappien).

Le Freak-Out prend d'ailleurs toute son ampleur avec «Help I'm A Rock», suite de 10 mn où le batteur Jim Carl Black récite avec verve des cantiques cheyennes («He's The Indian Of The Group») en réponse aux incantations blasphématoires de Ray Collins qui hurle (sic) «Help Im A Cop!».

«Help I'm A Rock !» a bouleversé le rock californien de 1966 par la richesse musicale, le modernisme de la construction du morceau, l'intelligence des pastiches (allusions à Edgar Varèse, tempo rythmé sur cris d'orgasme...) préfigurant tous les excès de l'aventure zappienne. «Freak Out» c'est aussi la contestation devenue adulte, idiome (concept de «Suzy Creamcheese» devenue le mot de passe du combo Teddy & Patches), ésotérique et artistique. «Freak Out» c'est le rock seriel qui, bien plus qu'un simple témoignage d'une époque où personne n'était sûr de rien, restitue l'éternel Los Angeles, ahuri et vulgaire, parano et envoûtant.

Je ne saurais que trop vous conseiller ce classique, ce LP d'où tout a explosé, qui est le premier double album sous forme conceptuelle de l'histoire du rock, où en plus un morceau occupe toute une plage du disque.

Frédéric D'HUVE

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