Zappa 19 Mars

By Caroline de Kergariou

Rock En Stock, June 1979


19 mars : c'est le dernier concert de la tournée Franck Zappa en France et c'est le premier où on me convie à un cocktail avant le spectacle : punc et zakouskis, la classe. Alors que les quelques 5.000 spectateurs, de l'autre côté du rideau, trempent leur attente dans la bière. Y a pas à dire, c'est quand même aut'chose d'être rock-critic.

Pour cette tournée Zappa est accompagné de Vinny Colaiutha à la batterie, Arthur Barrow à la basse, Peter Wolf et Tommy Mars aux claviers, Ed Mann aux percussions, Warren Cuccurrulo, Denny Wally et lke Wallis aux guitares et L. Shankar au violon. Bel échantillonnage d'humanité musicale : il y a de longs cheveux blonds, un noir dodu avec un abat-jour de laine jaune sur la tête et une barbiche satanique au menton, et, incongru, un petit punk aux cheveux dressés sur la tête, avec lunettes noires, veston trop ' large et manteau de zèbre nylonné, poses killer avec la guitare et jeu de scène étudié. Sûr qu'il veut piquer la vedette, du moins auprès des petites tillas. Elles n'auraient pas tort d'ailleurs pare que Zappa avec son blouson en tricot (beurk 1) et ses cheveux ombrageant délicatement son appendice nasal, c'est pas vraiment le sex-symbol. Il n'a pas l'air de le chercher d'ailleurs, il se plante sur le devant de la scène et, le regard fixé sur le manche de sa guitare, le pied sur la wah-wah, il entame un instrumental, suit des yeux une boîte de bière qui vient s'abîmer sur la scène et se précipite dans les cou lisses à la recherche de l'organisateur qui prie l'assistance de trouver d'autres délassements.

Zappa continue sur un morceau à la rythmique grassement épaisse, genre marteau-pilon, qui slalome entre la grâce toute germanique de certains chants populaires (vous avez déjà entendu Ali-Alo... ?) et la chansonnette de charme à l'usage des ménagères américaines décérébrées. Les percussions prennent une teinte de xylophone chinois (ça ne veut strictement rien dire mais c'était tout-à-fait ça). Suprême sophistication sans doute, le jeu de scène de Zappa brille par sa décontraction. Il s'allume une cigarette, très Gainsbourg, se promène sur la scène en projetant de gros nuages de fumée devant lui, se perche sur un tabouret pour fumer plus à l'aise en regardant le public pendant qu'un piano jazzy soutient des choeurs soul féminins chantés par un homme, et se marie à une rythmique très Devo. Blasphème ou déformation new-wave de ma part ? Sa récréation terminée Zappa va se verser une tasse de café à un percolateur à fleurs pour se donner du cœur à l'ouvrage, se confectionne un chignon et empoigne une baguette de chef d'orchestre qu'il manie comme un fleuret. Cabotin.

Caroline de KERGARIOU

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