Frank Zappa "Studio Tan"

By M. P.

Rock En Stock, November 1978


FRANK ZAPPA
"Studio Tan"
Discreet 59 210 WEA

Autant Zappa nous avait fait attendre avec son précédent double album live « Zappa in New York » dont la sortie fut sans cesse différée pour des motifs conflictuels, l'opposant à je ne sais plus quelle maison de disques, la Warner Bros en l'occurence. Le moins têtu céda, apparemment. Autant, dis-je, ce dernier accouchement paraît prématuré, inattendu. Certes la presse spécialisée annonçait timidement en septembre que Zapa avait entre ses mains trois albums fin prêts, mais on y croyait guère et on avait donc préféré partir en vacances.

« Studio Tan » le disque, est enfermé dans une pochette quasi muette : aucune indication quant à la date ou le lieu d'enregistrement, aucun musicien n'est crédité, les paroles ne figurent ni dessus ni à l'intérieur sur un petit bout de papier bon marché qui aurait été le bienvenu. II y a juste au dos les titres des morceaux écrits par un gaucher qui aurait mis son stylo dans la main droite. Le dessin est dans le genre dessin d'enfant pas du tout pour enfants.

Les aventures de « Greggory Peccary » occupent toute la face A. « Greggory Peccary est un petit cochon avec un collier blanc qui, généralement, zone entre le Texas et le Paraguay ». Zappa est allé chercher des récitants chez Walt Disney productions et nous offre un dessin animé sonore pas du tout pour enfant sur un accompagnement vocal et musical extrêmement imagé. Il n'est pas évident de suivre Greggory Peccary dans cet univers très mouvant. En vrac : bureau de sténo-dactylos moquetté, scènes de rue violentes, des bus, des motos, des hippies, une montagne, une caméra, une forêt de gros nuages de plomb, une station-service, une thérapeutique de groupe, un coup de téléphone mystérieux, etc. Les climats musicaux collent génialement à ce doux délire et au milieu, épars, surgissent des petites mélodies absolument parfaites. C'est, visiblement, une musique écrite. Chaque instrument a sa partition : trompettes, saxes, trombones, claviers, synthés, violons, violoncelles, percussions diverses et variées, etc. Un travail de titan, donc. Dans le même esprit que le film d'animation du même Zappa que la télévision française avait diffusé il y a deux ou trois ans.

Sur la deuxième face, trois morceaux dont deux instrumentaux. Le premier est chanté par une pouffiasse américaine qui aimerait beaucoup vous emmener à la plage (« Let me take you to the beach »). II faudra probablement beaucoup écouter les deux morceaux suivants pour s'en faire une petite idée, notamment « Musique revue et corrigée pour guitare et orchestre à petit budget ».

Sous peine d'irritation quasi névrotique, ce n'est pas une musique de fond à passer pour étoffer votre conversation. Ne faites pas écouter « Studio tan » à un pilote de ligne, il trouverait ça complètement bordélique. « Studio tan » est donc impérativement réservé aux obsédés fanatiques et fidèles de longue date de Zappa. A ne pas mettre non plus aux mains des non-initiés ; c'est tout le contraire d'un disque d'initiation et de vulgarisation, « Studio tan » est à la limite de la musique expérimentale. C'est sûrement le disque le moins commercial de l'année.

Les apprentis zappiens doivent plutôt s'essayer sur « Overnite sensation » ou « Roxy and Elsewhere ».

Le jour se lève. Je vais me faire un melon. Bonsoir.

M.P.

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