Zappa "Zappa in New York"

By Ph. Boillaguet

Rock En Stock, April 1978


ZAPPA
« Zappa in New-York »
N° 69204
Discreet Distribution Wea (PARUTION 1978)

Voici enfin un nouvel album de Frank Zappa, enfant terrible et génial du rock américain. Pourtant un procès le confrontant à sa maison de disques, suite à un différend contratuel, laissait planer le doute qu'il ne puisse sortir ses folles musicales durant plusieurs années. Les tribunaux américains pareils aux nôtres traînent toujours en longueur, les proportions zappaesques étant réputées, le pire pouvait être supposé. Il n'en est rien et l'on ne peut que s'en réjouir pour ce personnage à la fois proche de Don Quichotte et de Machiavel ... Son caractère de tyran facilite le départ de ses plus proches acolytes. Seul lan Underwood accepta de rester longtemps avec lui.

Zappa, chroniqueur féroce de la société américaine nous livre sa dernière production, un enregistrement en direct au Palladium de New York, déjà vieux de deux ans. Sa formation se compose des frères Brecker (Mike et Randy) trompette et sax, Eddie Jobson, ancien Roxy Music, violoniste, Patrick O'Hearn, jeune bassiste de jazz, Terry Bozzio à la batterie, le seul survivant de ce groupe dissous une fols de plus et Ruth Underwood (l'épouse de Ian) au synthétiseur et d'autres nettement moins réputés que je vous laisse découvrir.

Son énorme travail et sa rigueur l'obligent souvent à se séparer de ses musiciens, mais sa vision rigoureuse ne peut autoriser les initiatives personnelles sauf dans les laps de temps toujours calculés par lui-même à l'avance.

Despote sans aucun doute Il a créé un univers musical des plus enviables, liant avec bonheur le jazz au rock dans un délire verbal particulier et intraduisible (les textes inscrits à l'intérieur permettent une meilleure approche mais restent confus pour un public non averti.

Ce descendant d'immigrés grec et italien ouvre son univers sur Titties and Beer, un morceau qui satisfait ses vides par une influence évidente des côtés disco. Cette soumission à une valeur évidente du temps présent pourrait déplaire si elle n'était comme toujours tournée en dérision par ses textes. I promise not to come In your mouth. Une ballade sensitive instrumentale met en valeur un radieux solo de guitare du maestro et le moog tout en finesse d'Eddie Jobson.

Big Leg Emma traité avec un humour ravageur, prédispose à la nostalgie.

The purple lagoon arrangement spécial d'une piéce interprétée pour « Saturday Nigh Live » spectacle télévisé en décembre, renferme deux thèmes dont Approximate une composition de l'époque du grand Wazoo jamais enregistrée. Le premier solo revient à Mike Brecker au sax ténor et surprise intéressante, Zappa intervient juste après dans ce morceau final du concert. Il resplendit totalement. Zappa reste fidèle à lui-même avec une dominante très jazzy et funky. Il ressort excellemment ses idées premières dans un ravissant mélange alliant une batterie soul, un sax langoureux et purement jazz à une basse qui du disco passe au rock. Il satisfait ainsi tout un chacun avec une ambiance des plus folles tout en étant structurée comme toujours. Le solo de sax laisse place à une démonstration de guitare. Représentant de nos influences culturelles il personnalise nettement moins son style que lors de ses légendaires inventions (Freaks out); pour un rocker son travail s'avère des plus finis, mals pour un jazzman il reste simple et d'un classislsme ennuyeux car ordinaire.

Créateur avant tout il laisse dans cette composition une large part à ses talentueux accompagnateurs. Mais il nous montre surtout une fois de plus sa maitrise essentielle de la guitare électrique nous offrant un son exceptionnel du au réglage technique peu ordinaire de son Instrument. Les trémolos et arpèges restent d'une clarté déroutante, enveloppés par le synthé. Les musiciens confirmés, solistes d'exception arrivent sans difficulté à maintenir une intensité d'exception tout au long du final.

Seulement le style malgré les solos spectaculaires ou prétentieux de la basse, s'avère facile. Ce pastel se structure sur une base trop utilisée en jazz, heureusement la prise de son s'avère être excellente d'où le réalisme de chaque instrument.

Cette composition de jazzrock, entre deux eaux plagie habilement le jazz sur le prétexte d'une ouverture de la rock génération. De plus Zappa, conserve cet atout qu'il peut sans trop de difficultés, concrétiser par un album tous les six mois.

Sofa fut déjà réalisé sur « One size fits all », disque tellement impopulaire que sa réédition ne dérange aucunement, Zappa prouve ses capacités en explorant des domaines réservés au free jazz, les trouvailles retrouvent leur juste part, après une intro pompeuse.

Ainsi son rock efficace se présente comme l'un des plus intellectuels (si l'on peut dire au sujet du rock, le rock reste binaire et brutal).

Le solo de batterie spectaculaire n'apporte pas la moindre étincelle, seulement Zappa prouve qu'il s'entoure de bons musiciens comme à l'accoutumée.

Honey, fidèle à lui même, il retrouve ses vieux poncifs avec une rythmique d'acier qui éclate sur un texte subversif assez conventionnel de son style, qui consiste en la dérision de la société occidentale et de ce qui en constitue les fondements.

Cette face lui permet de réaliser un autre splendide solo, sa technique se base sur un son envoûtant et étripé par des arpèges gras.

Le chanteur noir par contre passe assez difficilement, mals l'assise rythmique et le solo aigu le réhaussent et facilitent son écoute.

La technique de l'écho utilisée au maximum produit un effet spectaculaire sur le public qui intelligemment explose avec le groupe au final.

Zappa avec ce double album réalise une synthèse de son style et de son passé. Toujours fantastique par ses trouvailles, il s'oriente désormais vers la facilité avec des rythmes jazzy et disco-classiques et très appréciés du public.

Ph. BOUILLAGUET

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