Zappa "Zappa in New York"

By M.P.

Rock En Stock, April 1978


ZAPPA
« Zappa in New-York »
DISCREET RECORDS DISTRIBUTION WEA - 69204
(Deux disques pour le prix de deux).

Désemparé à l'écoute d'une nouvelle galette de Zappa, on l'est toujours, à juste titre d'ailleurs. Ce n'est pas une musique facile, évidente, immédiate. C'est truffé de plein de petits trucs que l'on découvre petit à petit, lentement. D'où le drôle d'état dans lequel on se trouve, quand les lumières se rallument, à la fin du concert : hébété. Quelqu'un te marche sur le pied, tu lui demandes pardon ... Tu allumes ta cigarette par le filtre, etc ...

Et oui, c'est que le mec est diabolique, il s'est passé beaucoup de choses, beaucoup trop en deux heures et demi. Zappa a une gueule, une voix, une présence, un jeu et un son de guitare, des textes, un humour, des musiciens, un sens du spectacle, une imagination, une richesse de composition PAS P.O.S.S.I.B.L.E.S. La liste n'est pas limitative, bref... Zappa c'est trop et il le sait.

Bon d'accord, mais ce dernier double album « Live ». J'y viens. Enregistré au Felt Forum d'Halloween (New-York) fin 1976 et au Palladium. Zappa est entouré de Terry Bozzio, batteur fou sur scène, Patrick O'Hearn (basse), Eddie Jobson (claviers), Ray White (guitare) -- tout ce beau monde chante --, les mêmes qu'à Paris en février 77 donc, plus la vieille complice Ruth Underwood, un percussionniste et une tripotée de cuivres dont les frères Brecker. Les vieux freaks au faciès Zappien sortent de leur trou, je les vois. Zappa est diabolique, je le répète : après nous avoir habitué à une musique moins hermétique depuis « Overnite Sensation » dont il joue toujours deux morceaux en rappel à ses concers· parisiens, avec les albums « Apostrophe », Roxy and Elsewhere », « One size fits all », Bongo Fury » et surtout « Zoot Allures » le dernier, Zappa revient, sur presque deux faces, à ses premières amours : sa période Varèse, « Uncle Meat »et « Grand Wazoo » à grands renforts de percussions pures, de cuivres très free et de rythmes éclatés. Les vieux freaks au faciès Zappien sont maintenant debout, ils s'étirent.

On trouve donc de tout dans cet album. On trouve notamment une face de 11 minutes (faudra pas le faire trop souvent). Tities and Beer , (tétons et bière, les deux seules choses qui intéressent Zappa): Sketch (de la banane ... ) entre Zappa et Bozzio qui se gâte un peu vers la fin. La voie outrancière de Bozzio/diable passe moins bien qu'aux concerts parisiens et ce dernier n'a pas la spontanéité d'un Napoléon Murphy Brock. Puis un instrumental sensuel et, pour éviter une face de 9 minutes, un court morceau que jouait Zappa à New-York, il y a dix ans, pour les nostalgiques fidèles ... c'est gentil, merci. Fin de la face A.

La face B se trouve sur l'autre disque: « Sofa » une reprise plus cuivrée de « One size fits all » et deux instrumentaux, notamment « Black Page/part 1 and 2» qui font que les vieux freaks sortent le champagne. La face se termine sur un gag musical dont Zappa a le secret. Personne ne danse ? s'interroge Zappa. La troisième face est plus accessible : une petite soirée typiquement américaine, on y dit beaucoup de gros mots que je ne répèterai pas ici et enfin un long blues (une parodie de blues, bien sûr, Zappa .oblige ... ). « The Illinois Enema Bandit », (cherchez Enema dans le dictionnaire) chanté magnifiquement par Ray White, inspiré d'une histoire vraie, le coupon de presse faisant foi. Chorus magnifique de Zappa. Le final vocal est ... Zappien.

Sur la dernière face, Zappa nous sert un long instrumental (16'20) « The Purple Lagoon », composition datant de la période « Grand Wazoo ». S'y succèdent différents solos, notamment la guitare de Frank Zappa en re-recording... Là vous devez pousser votre ampli au maximum, ouvrir grand vos oreilles ... puis méditer sur le fait que Zappa approche de la quarantaine et que, de ce fait, il pourrait être votre père, pas moins ... Ce n'est pas une raison non plus pour lui faire la gueule, à votre père, quand il viendra (poliment) vous demander de baisser le son. Sur le dernier solo de trompette trafiquée de Randy Brecker, les vieux freaks au faciès Zappien achètent Rock-Hebdo.

Et voilà.

Avec une petite idée derrière la tête, j'ai réécouté le précédent album « Live » de Zappa and Mothers, celui, également double, « Roxy and Elsewhere » (Deux disques pour le prix d'un). La complicité qui pouvait exister entre Zappa et ses musiciens, Napoléon Murphy Brock, Georges Duke ou même Tom Fowler (bassiste toujours crédité d'un « Fantastic Dancing » sur les pochettes parce que de marbre sur scène) entre autres, cette complicité, donc, ne saute pas aux yeux dans « Zappa in New-York ».

Une dernière chose : pour les raisons peut-être évidentes que je vous laisse d'ailleurs deviner, Zappa ne fait pas les mêmes concerts à New York et à Paris : Il y aura (futur) peutêtre un « Zappa aux abattoirs »...

Une dernière recommandation : ne vous fiez jamais à une première écoute, ni à une seconde d'ailleurs ...

C'est encore moi : les textes de la pochette sont précieux.

M.P.

P.S. : ce mec est diabolique.

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