Frank Zappa and The Mothers Of Invention "Freak Out!"

By Alain Dister

Rock & Folk, December 1995


Frank Zappa and The Mothers Of Invention
"Freak Out !"
RYKODISC / Night & Day

Fallait voir l'allure de la bande à Vito, le sculpteur fou de Venice Beach. Les pantalons à fleurs, les tifs dans le bas du dos, les parfums, les clochettes ... Le Los Angeles Free Press leur avoit donné un nom : Freaks, référence (Hollywood oblige) au film culte de Tod Browning. Eux voulaient bien assumer. En remettaient même une couche en allant s'exhiber en chorégraphies bizarres, désarticulées, outrageusement sexy pendant les concerts du groupe qui montait, Frank Zappa And The Mothers Of Invention. Le plus rigolo était Karl Orestes Franzoni, grande bringue un peu salace qui faisait des trucs avec sa langue, comme des siècles plus tard le bassiste-iguanodon de Kiss. Et tout ce joli monde crevait joyeusement la dalle.

"Hungry Freaks, Daddy". Zappa avoit d'autres ambitions que de faire le singe en costume poilant. D'accord, les freaks constituaient un public folklo capable d'attirer l'oeil des médias. Et leurs feuilles de choux underground étaient une excellente plate-forme promotionnelle, plus crédible que dies entrefilets dans les journaux établis.

Mais la vraie vie était ailleurs. Dans la musique, curieux carambolage de doo-wop ("Go Cry On Somebody Else's Shoulder"), de beach-pop ("Motherly Love") et de réinterprétations d' Edgar Varese (The Return Of The Son Of Monster Magnet"), mâtinés de musiques de films de série Z. Le tout épicé de commentaires socio-politiques ("Who Are The Brain Police") soit : déconnons, déconnons, mois ne perdons pas de vue le signifiant de toute l'affaire. On ne reverra rien d'aussi intelligent avant ... Coluche. Il fallait quand même un certain culot, en l966, pour consi gner tout cela sur une double galette de vinyle. Un certain Tom Wilson, producteur à tout foire chez Verve -- et néon-moins artiste à sa manière -- prit sur lui de lociliter l'accouchement de la chose (juste après avoir assisté celui du "Blonde On Blonde" de Bob Dylan, premier double-album de l'histoire). Prudent, Wilson avait laissé la bride sur le cou d'un Zappa déjà pointilleux sur le chapitre des décalages chromatiques et de l'atonalité.

Alain Dister