Archéologie de Frank Zappa

By Bernard Blanc

Rock & BD, November/December 1983


Au début des années 60, Frank Zappa a fait un peu d'argent avec la musique d'un western plutôt minable. Juste assez de dollars pour survivre, en achetant un studio dans la banlieue de Los Angeles, à Cucamonga exactement, une petite entreprise artisanale, de quoi se faire la main, en tout cas, le Studio Z.

Le président Kennedy vient d'être assassiné, et toutes les polices du pays font la chasse aux marginaux, dans la plus totale parano. Avec sa dégaine et son statut d'artiste, Zappa ne pouvait qu'attirer l'attention des flics. Un jour, un type vient le voir pour lui demander de réaliser la musique d'un film porno. Zappa accepte, et propose même de tourner le film pour 300 dollars ! ll compose la bande originale, ajoute quelques bruitages suggestifs avec sa copine Lorraine Belcher et... se retrouve en prison ! Le client n'était autre que le Sergent Jim Willis, de la police de San Bernardino. La brigade des mœurs avait monté toute cette machination pour coincer Zappa et ses potes et faire cesser toute activité dans ce studio maudit.

Vous pouvez retrouver deux photos de l'époque de celte triste affaire, ainsi qu'une longue coupure de presse signée par un journaliste local, Ted Harp, au dos de la pochette d'un disque rare, « Rare Meat, early productions of Frank Zappa » publié par une boite de Los Angeles, Rhino Records et importé en France par Média 7. Celte coupure de presse est évidemment historique, comme le disque lui-même. Six morceaux (produits, composés, arrangés et en partie joués par Frank Zappa himself), introuvables à ce jour, des années 62-63, avant que Zappa ne fonde les Mothers !

Vous vous rendez compte de la merveille ? II y a là « The world greatest sinner », par Baby Ray and the Ferns, du titre d'un film dont Zappa réalisa la musique en 1960, mais ce morceau là n'est pas sur la B.O. ; « How's your bird » est important aussi : c'est la première fois que Zappa travaille avec Ray Collins, futur pilier des Mothers of lnvention. Collins avait rencontré Zappa par hasard dans un bar, lorsque ce dernier jouait dans un groupe intitulé « Work with me Annie » (Viens baiser avec moi, Annie) ! A cette époque, quelques groupes locaux viennent enregistrer au Studio Z. Et Zappa tait leur musique : c'est le cas de deux titres des Heartbreakers (rien à voir avec ceux de Tom Petty) qu'on retrouve ici.

Que das merveilles, on vous dit ! Évidemment, le son est plutôt malpropre. Mais comment résister à cette archéologie de Zap ? Surtout qu'on y retrouve déjà, dans une ambiance normalement sixties, quelques gimmicks du Maitre, des mélanges et des voix qui feront la gloire des Mothers et cet humour dynamite si séduisant.

Vous auriez tort de rater cette galette, même si c'est un peu cher. Sur le mème catalogue Rhino, deux albums historiques, les premiers enregistrements des Mothers, « The Grandmothers ». On vous gâte !

Bernard BLANC

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