Rockin' California

By P. Boisvieux

Best, January 1972


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« La première de 200 motels »

Mardi. Grande première du film de Frank Zappa, « 200 motels » au Doheny Theater de Beverly Hills. Après New York et Boston, la Californie découvre ce soir le premier film de Frank Zappa, lequel s'explique ainsi à vous : «  200 motels » est un documentaire surréaliste. Ce film retrace des événements réels et leur extrapolation. Il est même autobiographique dans certaines scènes. J'ai toujours été intéressé par le cinéma. Mes premiers films en 8 mm remontent à 1958. En tant que compositeur, je trouve que la juxtaposition d'éléments visuels avec une architecture musicale procure énormément de possibilités dans le champ de l'exploration du concept. Ce film nous aura coûté presque trois ans de travail. J'en ai composé 60 % de la bande originale dans des motels après des concerts donnés avec les Mothers en tournée. « 200 motels » traite de sujets tels que : les groupies, la vie en tournée, les rapports avec les spectateurs, le culte du groupe, la nourriture macrobiotique. etc. Mais ces sujets, parce qu'ils sont traités par les Mothers, un groupe qui sort de l'ordinaire, constituent un documentaire surréalistique. J'insiste sur le fait qu'il n'y a aucune unité de temps dans l'action ou plutôt la chronologie des événements n'y est pas respectée.

En tournée, le temps est déterminé ainsi : lorsque le manager vous réveille, quand l'avion ou le bus partent, quand vous installez la sono et la vérifiez, quand vous jouez, et ce que vous faites après le show. L'unité de lieu est indéterminée. Les motels se ressemblent tous. Même chose pour les avions et les bus. Les salles de concert peuvent changer un peu, mais au bout d'un certain temps vous ne les distinguez plus.

Les spectateurs varient et sont les mêmes aussi. Quand nous partons en tournée et plus particulièrement pendant les grandes, la vie du groupe ressemble à celle d'une caserne. Chaque concert est une campagne.

Les principaux acteurs et leurs rôles respectifs sont les suivants : Theodore Bikel joue Rance Muhammitz. Ringo Starr joue Larry le Nain. Keith Moon des Who en nonne très spéciale. Jimmy Carl Black (l'Indien du groupe) est Burt, le cow-boy solitaire. Martin Lickert est Jeff, Janet Ferguson et Miss Lucy Offerall interprètent les groupies, Dick Barber (manager des Mothers) est l'aspirateur industriel et Miss Pamela Miller est l'intervieweuse. Mark Volman et Howard Kaylan, vocaux des Mothers jouent un peu en dehors de leur véritable personnalité. Frank Zappa y fait des apparitions assez timides. Mais « 200 motels » est aussi le premier long métrage en vidéo. Les effets optiques créés par cette nouvelle technique électronique ont des répercussions étranges sur vos sens. Je crois que c'est aussi l'impression générale qui ressort de ce film en couleurs naturelles et déformées et dessins animés, mais dont le mérite aura été d'y découvrir de nombreuses réalités. Frank Zappa aura observé, debout au fond de la salle, les réactions des spectateurs qui applaudiront par trois fois durant la projection.

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