Mothers Of Invention "Burnt Weeny Sandwich"

By Paul Alessandrini

Rock & Folk, April 1970


MOTHERS OF INVENTION
BURNT WEENY SANDWICH

WPLJ. lgor's boogie, phase one. Overture to a Holiday in Berlin. Theme from Burnt Weeny Sandwich. Igor's boogie, phase two. Holiday in Berlin, full blown. Aybe Sea. Little house I used to live in. Valerie.
REPRISE 6.116/30 cm (Dist. Vogue)

Deux tendances. Mothers, ou plutôt deux instants d'une démarche musicale en un seul disque: une face instrumentale, en ligne directe derrière Hot Rats; une face plus proche de la première époque où les mots, les harmonies, dans un moule volontairement désuet, s'inscrivent comme autant de traits périodiques et cyniques; transparence d'une ironie dévastatrice et d'un parti-pris contestataire de dénigrer une musique à tubes, à la fonction bien définie de produit de consommation. On est tout près de Freak out: sans doute est-ce une suite de morceaux enregistrés précédemment, dont Zappa nous promettait la sortie. Sur la face II, « Little House I used to live in » nous donna l'occasion de retrouver celui qui fut la révélation du précédent disque de Zappa, le violoniste Suger Cane Harris. Sur une structure harmonique rigide de Zappa, introduite sur un accord de piano, les notes explosent, poussées par les excroissances des trois solistes. Tout d'abord le violon, à grands traits souples, s'élance dans une courbe progressive où des phrases amples côtoient des striures serrées, hachées; un piano improvise sur un thème jazzy qui éclate à son tour, le tout sur une ossature rythmique sans faille, carrée à souhait, fournie par la batterie et la basse. Et, toujours présente, cette impression d'ambivalence musicale, ce tempo qui se dédouble et crée un vertige sonore qui aura marqué toute une génération de musiciens pop (cf. East of Eden et Soft Machine).

C'est aussi une succession de ruptures de climat au plus fort de l'explosion; l'harmonie est retrouvée, classique, puis se désagrège de nouveau, dans une course-poursuite des instruments où chaque partie sonore s'accélère pour donner une ligne rigide et singulièrement contrastée. Cet enregistrement « live » donne l'occasion à Zappa, face à l'agression verbale d'un « adversaire » de faire preuve de lucidité en s'écriant: « tous ceux qui sont dans cette salla portent un uniforme ». Et tout pourra ainsi finir sur une suite classico-baroque moderniste (Valerie), dont Zappa a le secret, avec ce sautillement clinquant des formes. L'impression d'aventure devant chaque nouvelle oeuvre de Zappa se confirme: nous sommes au coeur de l'avant-garde de toute nouvelle musique. Pour ceux qui veulent partager cette aventure, aucune hésitation à avoir. Soyez « visionnaires », auprès duvisionnaire.

PAUL ALESSANDRINI.