Frank Zappa - Hot Rats

By Paul Alessandrini

Rock & Folk, January 1970


FRANK ZAPPA
HOT RATS.
Peaches en Regalia. Willie the pimp. Son of Mr Green genes. Little Umbrellas. The Gumbo variation. It must be a camel.
VOGUE SRV 6108/30 cm.

Le premier Zappa en soliste. On attendait avec impatience ce qu'allait faire celui que je considèrè comme le visionnaire, et qui imprimera sa marque indélébile, quoi qu'il arrive, sur toute l'histoire de la pop music. Si Zappa a su s'entourer de fortes personnalités musicales comme Captain Beefheart, Jean-Luc Ponty, ou son ex-compagnon Ian Underwood, sa monstrueuse prêsence domine. Sous sa conduite, la musique explose, comme une incohérence féconde : toute une succession de ruptures, de désharmonies, vient se fondre dans une fête des sons ivres. Deux morceaux (Willie the Pimp, The Gumbo variation) se détachent incontestablement, où l'on note la présence d'un étonnant violoniste, Sugar Cane Harris, qui, contrairement à Jean-Luc Ponty presque déphasé, épouse les formes en délire des compositions de Zappa. Ce disque est aussi la confirmation d'une vérité cruellement ignorée : à savoir que Zappa n'est pas qu'un génial chef d'orchestre, mais un instrumentiste à l'imagination féconde. La surface plane de cette musique semble, à la première écoute, sans excès, très rythmée. Et pourtant, on s'aperçoit bien vite de l'ingénieuse combinaison des interférences sonores. Ainsi les différentes interventions de Ian Underwood au piano, à l'orgue ou aux différents saxophones. L'impression de vertige est soigneusement dissimulée sous une apparence trompeuse. Peut-être est-ce là la leçon que Zappa a tirée de son échec, avec les Mothers of Invention, auprès du grand public : rendre ce qui est important séduisant de prime abord. Le vernis s'étant estompé, restera l'important. Cet acte musical ne s'inscrit aucunement en pone-à-faux, mais plutôt comme une redéfinition tactique dans un combat toujours recommencé.

- PAUL ALESSANDRINI.